Grâce à l’implication de deux sociétés et de 27 910 co-actionnaires, le château a pu ouvrir au public cet été. A présent, des travaux sont prévus pour mieux préparer la nouvelle saison.
Le visiteur passe les haies, les douves et pénètre dans le domaine par les anciennes écuries. Il faut encore traverser le parc et ses arbres centenaires, pour découvrir le château de la Mothe-Chandeniers. Comme posée sur l’eau, la bâtisse s’y reflète, des branches sortent par les fenêtres, mais chacun reste charmé par cette atmosphère romantique, un peu mystérieuse. Au fur et à mesure de la balade, le château dévoile ses différents visages, ses différentes façades.
Sauvegarder un château
Derrière l’ouverture au public de ce lieu singulier, il y a deux sociétés, deux passionnés qui se sont unis pour sauvegarder le patrimoine. La start-up Dartagnans est une plateforme de financement participatif dédiée à la préservation du patrimoine, de l’art et de la culture en France. L’association d’intérêt général Adopte un château aide les propriétaires à trouver les moyens pour sauvegarder leurs biens et a initié de nombreux chantiers participatifs de restauration. Les deux structures ont créé la société de la Mothe-Chandeniers, « une start-up associative d’intérêt général », sourit Romain Delaume, dirigeant de Dartagnans. « Notre problématique est : comment intéresser le plus de monde à un monument historique ? Le financement participatif est un des leviers. Nous sommes des fous de patrimoine, nous avons donc voulu faire le pari qu’il était possible d’acheter un château avec tout le monde, de sauver un monument en péril. »
Après un an de préparation sur les aspects financiers, judiciaires et techniques, le projet est au point, reste à trouver un château. « Le château de la Mothe-Chandeniers est un peu une chimère dans les milieux patrimoniaux, souligne Julien Marquis, délégué général d’Adopte un château. Une première vidéo réalisée grâce à un drone avait circulé, suscitant l’émerveillement, la curiosité. Ce château-fort a un intérêt architectural, il date du XIXe siècle, mais a été conçu et construit en s’inspirant des XVIIe et XVIIIe siècles. » « La question était : est-ce que nous pouvions le sauver ?, continue Romain Delaume. Son aspect visuel, son histoire, sa situation géographique — non loin de la vallée de la Loire, de Saumur, de Loudun — ont joué en sa faveur, un projet économique était envisageable. »
27 910 co-actionnaires
Une campagne de financement est donc lancée, du 1er au 24 décembre 2017, pour acheter le château et les terrains alentour. C’est un succès. 27 910 personnes participent et sont ainsi devenues co-actionnaires. « Nous restons les porteurs, les initiateurs du projet, mais pour toutes les décisions importantes, sur les grandes orientations, nous réalisons un vote. » Ayant investi 50 à 10 000 euros, 115 nationalités sont représentées. « Dont de nombreux expatriés, qui s’offrent ainsi un bout de France. » 50 % sont Français et les habitants de la Vienne ont été le deuxième département à se mobiliser après Paris. « Il y a aussi tout un vivier de compétences, note Julien Marquis. Nous avons réalisé plusieurs chantiers de débroussaillage et il y a une belle mobilisation de bénévoles. Ces 28 000 personnes sont autant d’ambassadeurs, de touristes potentiels. » Il s’agit maintenant de les accueillir sur place, ainsi que tous les curieux et les visiteurs.
Après plusieurs week-ends pour aménager un sentier, dégager certains endroits, le château et son parc ont ouvert pour des visites guidées pour l’été. Une passerelle en bois a également été installée et permet ainsi de réaliser un tour complet du site. Avec l’arrivée de l’automne, le site ferme ses portes, mais pour mieux les rouvrir la saison prochaine avec des nouveautés.
M. W.
Une ruine romantique unique
Au centre d’un parc verdoyant, se dresse le château en pierres blanches, entouré de larges douves décoratives, remplies d’eau. Un premier château devait se dresser à la place de l’actuel, la seule partie contemporaine qu’il en reste sont les écuries datant du XVIIe siècle. Au cours du XVIIIe siècle, il n’est pas entretenu et au XIXe siècle se pose la question de sa destruction ou de sa reconstruction. « En 1850, il est décidé de le reconstruire, mais de façon assez atypique. Ce château est sorti de l’imaginaire de son propriétaire, soulève Julien Marquis. Ce qui en fait un château un peu fou, ayant emprunté de nombreux codes ici et là. C’est véritablement une folie architecturale. » Les travaux prennent du temps. La chapelle, le parc, les douves sont également construits. « Le château est littéralement au milieu d’un plan d’eau. Ce sont les douves les plus importantes de France par rapport à la taille du bâtiment. Elles n’ont pas d’utilité défensive, mais sont là pour l’aspect purement décoratif. »
En 1932, un terrible incendie ravage le site. Après cet épisode qui défraye la chronique, le propriétaire décide de ne pas le reconstruire. « Ce château, c’est finalement une succession de reconstructions ratées, sourit Julien Marquis. L’habitation a laissé place à la végétation. Il y a une symbiose entre les plantes et les pierres, aujourd’hui, cela tire plus de l’œuvre d’art et l’eau rajoute une dimension romantique à ce tableau étonnant. »
Pour autant, le château n’est pas classé. « Nous travaillons avec un architecte du patrimoine. L’objectif n’est pas de le reconstruire, il faut néanmoins faire des travaux pour le préserver. Nous ne voulons pas gommer son histoire, mais pas non plus en faire en château de la Loire. C’est un château unique où le temps s’est arrêté, une ruine romantique. »
Une première étude a montré qu’il n’y avait pas de problèmes structurels sur la bâtisse. Une deuxième a permis d’identifier les quelques arbres qui portent ou porteraient réellement atteinte à la structure du château. Ils vont ainsi être retirés. « Après, une des pistes est d’installer une passerelle en plexiglas et bois pour permettre au visiteur de découvrir l’intérieur du château. La tour d’entrée serait restaurée pour prévenir des chutes de pierres. » Dans l’orangerie, à l’extérieur, des chambres d’hôtes pourraient être aménagées. Une partie restauration-guinguette pourrait être installée sous les arbres. Des personnes intéressées pour y tourner des scènes de films, pour un mariage se sont déjà manifestées. « Nous allons faire au fur-et-à-mesure. Il y aura en tout cas des nouveautés chaque année ! »