En digne héritier de René Monory, Dominique Hummel a toujours une longueur d’avance et vise souvent juste. A la tête du Futuroscope depuis 2002 et membre actif dans différentes institutions économiques, le président du directoire du 2e parc français partage sa vision de la grande région, son avenir et celui du parc dans les prochaines années.
Info-éco / Qu’est-ce qui fait le succès du Futuroscope ?
Dominique Hummel / Ces deux dernières années, nous avons réalisé une croissance à deux chiffres et la troisième semble bien engagée, c’est une belle performance. Nous récoltons les fruits d’un positionnement qui a fait évoluer le Futuroscope vers ce que je résume par les 3 F : festif, famille et fun. Les 30 ans seront le point d’orgue de ce rééquilibrage. Nous n’avions pas le choix, il fallait être indépendant financièrement, le département ne pouvait plus assumer. Aujourd’hui, nous sommes condamnés à accueillir au moins 1,8 million de personnes pour être capable de générer de l’excédent d’exploitation pour financer nos investissements. Nous sommes devenus une entreprise banale. Depuis l’attraction Arthur et les Minimoys, on m’a envoyé des signaux pour continuer dans cette voie. Avec notre nouvelle stratégie de communication, avec la signature « Vous n’imaginez pas ce qui vous attend », nous sommes cohérents et nous n’avons pas renié le passé ; avec le Cirque du Soleil, nous revenons vers un fort contenu, nous avons trouvé une solution pour le grand format avec le Imax Laser, nous avons fait une expo sur le futur … Notre succès, c’est la récompense d’une stratégie audacieuse, nous avons mis les moyens, nous avons investi entre 12 et 13 millions d’euros sur un CA de 95 M€. L’investissement, c’est le visiteur de demain. Aujourd’hui, le tourisme marche plutôt bien en région, nous sommes en résonance avec la société et l’économie, mais nous restons un colosse aux pieds d’argile, rien n’est acquis.
Info-éco / Le Futuroscope peut-il être considéré comme le navire amiral du tourisme en région ?
D. H. / Il existe 50 sites qui font plus de 100 000 visites dans la grande région, notre chiffre d’affaires (97 M€) est supérieur aux 49 autres. Vous avez deux belles entreprises qui font 12 M€ de chiffre d’affaires et elles se trouvent en Charente-Maritime, c’est l’Aquarium de La Rochelle et le zoo de La Palmyre, après les CA descendent autour 5 M€. Le site qui accueille un peu plus de visiteurs que nous, c’est la Dune du Pyla, mais c’est gratuit. Elle génère quand même 1,5 M€ avec son parking.
Info-éco / Quel regard portez-vous sur l’évolution de la grande région ?
D. H. / Ce n’est pas parce que la coquille juridique Poitou-Charentes n’existe plus qu’il faut enterrer le territoire. Il y a de vrais sujets, à savoir comment nous allons gérer ce monstre. Je suis conseiller au Ceser, nous sommes 260 à nous réunir, que peut produire une telle machine ? Ce sont des monstres démocratiques, à la région, ils n’en sont pas là car la réforme a été faite. Si je reviens au tourisme, il faudra du temps, il faut raisonner à 20 ans et non à 5. L’essentiel du marché est sur le territoire. Je souhaite que le tourisme devienne un facteur de curiosités réciproques, de liens. Ensuite, pour avoir de la visibilité à l’international — je parle des marchés émergents, comme la Chine — Bordeaux est un atout formidable, c’est un phare qui porte loin que nous n’avions pas avant. Sur cette problématique qui reste une faiblesse régionale — il suffit de regarder les chiffres pour constater que nous étions au milieu du tableau pour le tourisme et à la fin du tableau pour les visiteurs étrangers —, nous allons pouvoir y travailler car nous sommes plus visibles.
Info-éco / Avez-vous une idée pour le nom de la région ?
D. H. / Je fais partie du groupe qu’Alain Rousset a créé avec une vingtaine d’experts, de toutes les sensibilités politiques, des historiens, des ethnologues … Nous devons sortir un nom et pas trois. Je vois bien un débat histoire-géographie, un débat identité marqueur intra-régional versus attractivité, rayonnement extra-régional ; histoire-géographie ou culture-économie. Nous voyons dans les premières discussions deux axes avec d’un côté l’Aquitaine, habillée d’un adjectif et de l’autre une atlantique, ou un sud-ouest ou sud habillé d’autre-chose. Moi je suis GPS. Un des enjeux est d’avoir un nom qui a la capacité à s’adosser à des prénoms, un nom pour la personnalisation. C’est la thèse que je défends.
Info-éco / Il y a treize ans un projet de faire un Futuroscope bis à Shenzhen émergeait ?
D. H. / Premièrement, il en existe déjà un à l’insu de notre plein gré ! Nous avons été copiés. Nous l’avons appris par un fournisseur qui avait été sollicité. Le parc se trouve au Nord de la Chine dans une province proche de la Mongolie, dans une petite ville de 2 millions d’habitants où Mao Zedong faisait faire ses films de propagande. Ce site de tournage a été oublié, mais il a réouvert au public comme un éco-musée. Pour donner le pendant moderne et faire du business, la province a décidé de créer, autour, un lieu sur l’image, à Changying. Ils ont ouvert à la même période où nous avions le projet de faire un Futuroscope à Shenzhen, mais ce dossier est mort du jour au lendemain à la suite de la disparition du maire.
Info-éco / D’autres projets d’exportation sont-ils dans les tiroirs ?
D. H. / Nous avons des bouts de Futuroscope qui vivent dans le monde, la Vienne dynamique s’anime depuis dix ans à Nuremberg, un certain nombre de nos contenus ont été diffusés dans le cadre d’accords de coopération. Avec la Compagnie des Alpes, des projets sont en train de se concrétiser. Les pays en développement qui arrivent au tourisme ont des rapports à la technologie enthousiastes. Nos thèmes sont universels. Nous ne sommes pas Le Puy du fou qui raconte la Vendée ou le parc Astérix qui parle des Gaulois, nos contenus sont assez mondiaux. Nous sommes aussi beaucoup indoor, or tous ces business se font dans des pays chauds, il y a peu de parc thématique indoor, Disney étant un cas à part. Nous avons une architecture qui plaît et des technologies et des contenus qui peuvent rayonner assez largement, de plus nous sommes propriétaires de ces contenus. Le Cirque du Soleil, les Lapins crétins, Arthur, nous pouvons les exporter, nous avons une propriété artistique. Au niveau du territoire, nous regardons vers l’Inde, mais ce n’est pas à moi d’en dire plus.
Info-éco / Que pensez-vous de l’idée de développer le nom Poitou ?
D. H. / Jean-Pierre Raffarin l’a souligné lors des Etats généraux de la ruralité, le Poitou n’est pas une marque, elle peut le devenir. Il a dit : le Poitou est l’adresse, la marque est le Futuroscope. Par contre, dans le cadre institutionnel, si le Poitou et les Deux-Sèvres s’unissent ce serait intéressant. Dans le G12, il serait malin de s’allier avec ce département. Le Poitou dégage une image sympathique, rurale, work in progress.
Info-éco / Le projet Robuchon, vous en attendez quoi ?
D. H. / Si Joël Robuchon accepte d’être le porte-parole des produits du Poitou, ce projet du sud sera plus qu’un institut, il sera iconique, symbolique. J’ai l’exemple de Saint-Bonnet-le-Froid, le chef Régis Marcon et ses frères élus y ont créé une destination gastronomique, levé des fonds pour créer une offre hôtelière. Maintenant, la ville propose des ateliers de cuisine au grand public. Dans un projet, il faut toujours voir le coup d’après. Robuchon, dans une logique de développement économique, on ne pouvait rêver mieux.
Info-éco / Que peut-on encore développer autour du Futuroscope ?
D. H. / C’est ma question majeure dans les cinq ans. Comment élargir le potentiel du resort ? Les hôtels ont fait des efforts, l’ex-Mercure va être terrible, mais la question se pose, nous allons friser les 2 millions de visiteurs et à ce niveau, ils saturent. Nous travaillons sur la capacité d’accueil à 5 ans. En parallèle, nous devons réfléchir dans une vision à 10 ans à une activité adossée, une sorte de cité des sciences ou un autre parcours pour les enfants. Concernant la Technopole, mon idée de créer un cluster dédié à l’image et au patrimoine fera peut-être son chemin. Au niveau du parc, nous pouvons aller plus loin dans notre capital d’images, notre créativité pourrait inspirer d’autres acteurs.
Propos recueillis par R. Anglument et L. De Abreu