Ouverte il y a seulement trois ans, la La Maison des Compagnons du devoir et du Tour de France de La Rochelle est déjà saturée. Un outil à la mesure de cette formation à l’excellence.
La Maison des Compagnons du devoir et du Tour de France de La Rochelle est déjà trop petite, alors qu’elle n’a ouvert ses portes qu’en 2013 ! Les dortoirs, à l’étage du bâtiment installé dans le quartier populaire de Villeneuve-les-Salines, ne suffisent plus à accueillir les 134 apprentis.
Il est arrivé que certains d’entre eux aillent passer la nuit en auberge de jeunesse. Les choses pourraient s’arranger à la rentrée. « Les maçons vont repartir à Poitiers, explique Joël Terrien, ancien délégué régional de la Région Nouvelle-Aquitaine des Compagnons du devoir et charpentier de formation. Ils étaient à La Rochelle depuis trois ans, le temps que le site de Poitiers soit adapté. » Les tailleurs de pierre pourraient suivre.
Bâtiment BBC
Les apprentis répartis dans les filières bois (menuiserie, charpenterie) et fer (chaudronnerie, menuiserie aluminium, plomberie) profiteront alors pleinement de leur établissement pour apprendre leur métier : atelier modulable de 1 225 m2 et 8 salles de cours, sans parler de la partie restauration, détente et dortoirs. Un bâtiment à très haute performance énergétique, qui produit son eau chaude et son électricité grâce à des panneaux solaires et 400 m2 de membrane installés sur le toit et bénéficie du chauffage urbain et d’une isolation renforcée. Un confort qu’étaient bien incapables de fournir les anciens locaux, l’un installé dans une ferme non loin du nouveau bâtiment et le second à Périgny. Trois kilomètres les séparaient et cela faisaient près de quarante ans qu’ils servaient. Rien à voir avec ce nouvel écrin, digne des Compagnons, qui sont inscrits au patrimoine immatériel de l’Unesco. « Un tel bâtiment dans un quartier populaire peut aussi engendrer des vocations », souffle Joël Terrien.
La formation contre la barbarie
Sans délaisser l’aspect local, son successeur à la Région, Renaud de Lima, se tourne également vers le monde. Lors de sa visite de la Maison des Compagnons le 30 juin, le président de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset lui a demandé s’il existait une coopération avec l’étranger. « Oui, avec le bassin méditerranéen, lui a t-il répondu, la Tunisie et l’Égypte notamment. » « La Tunisie est stratégique, a repris l’ancien maire de Pessac (Gironde). De l’autre côté, il y a Daesh », a t-il relevé, prônant par là l’éducation comme rempart à la barbarie. Cette perspective d’exporter la formation à la française correspondrait parfaitement au compagnonnage.
Tournés vers le monde
5 000 jeunes apprentis sont répartis au sein des trois associations de compagnonnage françaises (La Rochelle est affiliée aux Compagnons ouvriers des métiers du devoir). Parmi eux, 3 800 sont en itinérance après avoir suivi deux années d’apprentissage en alternance entre le centre de formation et l’entreprise, les élèves possédant tous un contrat avec un artisan local. Et parmi ces 3 800, 500 sont partis à l’étranger « pour 5 ou 6 ans à travers une cinquantaine de pays possibles, détaille Joël Terrien. Mobilité, itinérance, insertion professionnelle — les itinérants doivent changer de société deux fois par an —, et la pratique d’au moins une langue étrangère, c’est vraiment une formation complète qui les prépare bien à la vie active. » Les patrons ne s’y trompent pas, 90% des compagnons se voient proposer un contrat à la fin de leur Tour, lorsqu’ils peuvent se faire appeler « compagnon ». C’est 20 points de plus qu’à la sortie d’un lycée professionnel.
O. G.