La Poitevine est la seule arbitre française à faire partie du panel féminin de la World Rugby. Elle supervise ainsi des matchs internationaux, dont le Tournoi des Six Nations.
A première vue, Marie Lematte n’a pas le physique de l’emploi. Pourtant, bien au contraire, elle fait partie des meilleures de sa profession. Elle est la seule arbitre française à faire partie du panel féminin de la World Rugby. Et tout a commencé à Poitiers. Petite fille, elle pratique la danse et la gymnastique, notamment en compétition. Elle passe son brevet d’entraîneur et exerce au Stade Poitevin. C’est pendant ses études de sports à l’université de Poitiers, qu’elle s’essaye au rugby et y restera. « J’avais envie de faire un sport collectif et mon futur mari était rugbyman. Je suis allée essayer et je suis restée ! La complexité du jeu m’a plu, avec ses différentes phases, l’analyse, la réflexion. Et puis il y a toutes les valeurs que ce sport peut véhiculer, et notamment la solidarité, avoir mal ensemble, le collectif, le partage. » En 1996, elle fait partie de la première équipe féminine du Stade Poitevin Rugby. « Nous avons vite progressé, pour être championnes de Fédérale 3 en 1998. Très rapidement, j’ai fait partie de la sélection régionale, ça m’a beaucoup plu, je côtoyais des filles qui évoluaient en équipe de France. Ça m’a donné envie de progresser, d’être à leurs côtés. »
A la fin de ses études et avec son concours, comme toute jeune professeur, Marie Lematte est mutée dans un collège du Val d’Oise. Elle en profite pour toquer à la porte du CSM Gennevilliers, intègre le club et devient titulaire. « Je découvre le haut niveau féminin, la première division avec le Top 10 (aujourd’hui le Top 8). » Après son deuxième enfant, elle revient sur Poitiers en 2005. Et rejoue avec le Stade Poitevin. « Mais la récupération était de plus en plus compliquée et l’arbitrage était dans un coin de ma tête. Un arbitre m’avait dit un jour que j’avais toutes les qualités pour … je n’ai pas oublié. » Elle se lance en 2011, passe les formations et les examens pour devenir arbitre territorial, puis fédéral. « J’ai franchi toutes ces étapes assez vite, en deux ans, c’est très court. Etant une femme, j’ai été poussée, mais derrière je devais assurer. J’ai enchaîné pour arriver rapidement à arbitrer en Fédérale 3 hommes, puis en Fédérale 2. » Elle arbitre ainsi sur tout le grand Ouest (excepté les matches du Stade Poitevin). Elle intègre aussi le Top 14 comme arbitre pour les changements de joueurs. En rugby à 7, elle arbitre lors du tournoi européen du Seven’s Grand Prix Series féminin.
En août 2014, alors que la coupe du monde de rugby à XV féminin se déroule en France, elle est désignée arbitre de touche. « C’était une super opportunité et une expérience extraordinaire. Je me suis dit : je suis à ma place. Je côtoyais des arbitres professionnels, avec cette exigence du haut niveau. C’était très intense et en même temps ça a été le déclic pour me dire : je suis dans mon élément. Cela m’a donné envie de travailler pour atteindre ce niveau. » Suite à cette expérience, elle intègre le panel féminin d’arbitres de la World Rugby. « Cela permet d’arbitrer des matchs internationaux. » En 2015, elle a ainsi officié en tant qu’arbitre central au tournoi de Calgary (Canada) avec les équipes d’Angleterre, de Nouvelle-Zélande, du Canada et des Etats-Unis. Puis au Tournoi des Six Nations en 2016 pour Italie/Ecosse et cette année pour Pays-de-Galles/Angleterre. Cette année a lieu également la coupe du monde de rugby à XV féminin, en Irlande, à Dublin et Belfast. « Nous sommes 16 en lice, dont 5 hommes pour 9 places finales. Nous avons eu des tests matches, des tests physiques réguliers, des stages … Les dés sont jetés. »
A côté de toute cette aventure, Marie Lematte est aussi professeur d’EPS au SUAPS (Service universitaire des activités physiques et sportives) à l’université de Poitiers, autrement dit le sport pour tous les étudiants. « Le plus difficile reste de gérer le temps entre la famille, le travail et le rugby. Il faut savoir jongler quand on n’est pas professionnel. Ce n’est pas facile d’être une femme arbitre, heureusement j’ai toujours été soutenue. Il faut croire en soi quelque soit son niveau et en tant que femme il faut arrêter de se croître illégitime. Sur le terrain, je suis l’arbitre et les joueurs ne font aucune différence. »
M. W.