Le sorcier qui prédit les trajectoires

Jean-Yves Bernot conseille François Gabart pour sa stratégie dans sa tentative de record du tour du monde à la voile en solitaire.

Surnommé « le sorcier », Jean-Yves Bernot est une référence en matière d’analyse des systèmes météorologiques et de choix stratégiques. « Je suis là pour optimiser les trajectoires, pour aller le plus vite possible sans mettre en danger le bateau », explique t-il. Les navigateurs comme lui sont rares. « Il faut de bonnes connaissances scientifiques, informatiques, ne pas être malade à bord quand on y est et connaître assez la manipulation du bateau pour comprendre ce qui se passe, liste t-il. C’est pour ça qu’on n’est pas beaucoup. Dans le monde on est une dizaine, en francophones on doit être cinq. » Depuis Châtelaillon-Plage, ce grand échalas frisé calque sa vie sur le rythme de ses poulains. Quand François Gabart a franchi la zone de convergence intertropicale, le Pot au noir, il a veillé toute la nuit. En même temps pendant huit jours, il a assisté Sébastien Josse et Vincent Riou sur la transat Jacques Vabre.

« Traîne ponton »

A 68 ans, Jean-Yves Bernot est indissociable de la mer, bien qu’il soit né à Moulins (Allier) et décroché un doctorat de mathématiques à Reims, il a appris la voile en Bretagne nord et disputé toutes les régates possibles. Il commence sa carrière de marin « de bon niveau » dans les années 70 comme barreur sur les courses du Royal ocean racing club (RORC), en Manche. « Il y avait des navigateurs catastrophiques, se souvient-il. J’ai fait une petite erreur, je me suis occupé de la stratégie. Je n’ai plus jamais quitté cette p… de table à carte ! Mais ça a assuré ma longévité. » En parallèle, il mène des recherches en océanographie. Mais entre voile et science, il a fallu choisir. Ça l’amuse beaucoup. Entre « être un chercheur réputé ou un traîne ponton, je suis devenu traîne ponton. »

Professionnalisation et formation

Il navigue avec les plus grands, Loïc Caradec, Philippe Poupon, côtoie Eric Tabarly, remporte des transatlantiques (Admiral’s cup, Québec/Saint-Malo) et multiplie les tours du monde (Volvo race, The race). Jean-Yves Bernot s’est professionnalisé en même temps que la voile. « Je suis passé de la navigation du XIXe siècle, au sextant et au baromètre à celle du XXe siècle avec des images satellitaires, des prévisions météo fiables. Je suis arrivé au moment où tout a évolué. Et ce que j’avais fait avant en mathématiques, en océanographie, me donnait un coup d’avance. »

Tout en conseillant, il forme, au Pôle Finistère de course au large ou à La Rochelle. Il forge les skippers d’aujourd’hui et de demain. Michel Desjoyaux, Ellen Mac Arthur, Armel Le Cléac’h, Franck Cammas ont tous fait appel à lui, tout comme les jeunes marins engagés dans la Mini transat 6,5 qui arrivent à la Martinique.

O. G.