La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buyzn a choisi le 2 septembre et le CHU de Poitiers pour dévoiler une partie de mesures qu’elle annoncera le 9 septembre prochain. Face au mouvement de grève qui se généralise dans les uragences de France, il fallait rassurer. « Les urgences sont aujourd’hui en surchauffe. C’est un symptôme du dysfonctionnement général de notre organisation et nous avons besoin de trouver une solution pérenne, une solution de fond pour améliorer la situation. Il ne faut pas juste soigner le symptôme, cette fièvre ressentie au niveau de l’activité des urgences, car sinon nous serons dans la même situation dans 2-3 ans, avec des services trop étroits et un manque de personnel. Nous avons besoin de réfléchir à l’ensemble de la chaîne de l’organisation des services d’urgences, en amont et en aval. » Ainsi, depuis plusieurs mois, le député charentais Thomas Mesnier et le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière rencontrent les professionnels pour élaborer un rapport sur les urgences. Plusieurs établissements ont été visités. « Nous avions besoin de nous inspirer de leurs pratiques et recueillir les bonnes idées, souligne la ministre. Les urgences de Poitiers ont su anticiper cette augmentation en mettant en place des interactions avec la médecine libérale, avec les Ehpad, en travaillant les filières d’admission dans l’hôpital … Ils font preuve d’inventivité en terme d’organisation, ce qui permet de fluidifier les parcours des patients et de lever un peu les tensions sur les soignants. »
Depuis 2013, le CHU de Poitiers a, en effet, mis en place un plan d’amélioration des urgences. « Nous constatons une augmentation de la fréquentation de 3 à 5 % par an et si nous ne prenons pas des mesures, les urgences vont s’engorger. Les urgences sont un problème qui relève de l’hôpital dans son ensemble et pas seulement du service, indique le Pr. Olivier Mimoz, directeur du groupement hospitalier de territoire Urgences de la Vienne. Il fallait faire cohabiter activité programmée et non-programmée. C’est un travail collectif, il a fallu convaincre. Nous avions trois objectifs : fluidifier le parcours des patients, faire venir les spécialistes et mieux gérer l’aval, notamment les lits. L’enjeu est d’orienter au bon endroit, au bon moment et les temps d’attente se sont réduits. »
Poitiers, bon élève
Ainsi, la ministre a visité le centre de gestion des lits. Chaque jour, dans chaque service, un nombre de lits est réservé aux urgences. Le CHU de Poitiers a été le premier de France à adopter un tel système en 2014. Tout a été informatisé.
1 300 chambres sont recensées et un code couleur indique aux gestionnaires les places libres ou non. « L’urgentiste n’a plus à chercher un lit, c’est le gestionnaire qui s’en charge, souligne Bruno Avril, cadre supérieur de santé. Le professionnel se recentre sur sa pratique. Cela évite les hébergements croisés et sur un délai moyen de prise en charge, nous avons gagné une heure. » La ministre souhaiterait voir se généraliser un tel système à l’ensemble des établissements français.
Agnès Buyzn s’est également rendue au centre de régulation. Des exemples de télétransmition lui ont été présentés. Les équipes du Samu, ainsi que certaines entreprises d’ambulances privées, possèdent un dispositif mobile embarqué et des tablettes connectées pour transmettre des informations, réaliser un électrocardiogramme ou des photographies. La ministre a ainsi indiquée qu’elle souhaite voir arriver la vidéo-assistance entre les ehpad et le Samu de façon à mieux orienter les patients, notamment quand il s’agit de pathologies bénignes.
Dans les autres mesures, elle propose la mise en place d’une filière d’admission directe dédiée aux personnes âgées, avec une incitation financière pour les hôpitaux qui s’engageront. Le CHU de Poitiers réfléchit déjà à un tel dispositif, dédié à la dépendance, mais également au handicap. Autre piste, avec l’objectif toujours de limiter l’accès aux urgences, un médecin généraliste assurera, à partir du 17 septembre, une garde au CHU de Poitiers.
Mathilde Wojylac