Info-éco / Quel mode de fonctionnement avez-vous adopté à la CMA au début du confinement ?
Karine Desroses / Tout le monde a été confiné au 16 mars, que ce soit au niveau du siège ou au CFA, ainsi 110 collaborateurs, dont 75 formateurs ont été mis en télétravail. Et dès le lendemain, nous étions opérationnels. Ça a été la première bonne surprise, cette capacité à s’organiser pour répondre à une situation d’urgence exceptionnelle, inédite. Nous avons mis en place une cellule chargée de contacter toutes les entreprises artisanales du département. L’objectif a pratiquement été atteint avec 7 391 appels ou mails pour près de 8 000 ressortissants. Nous avions mis en place une ligne dédiée avec un numéro spécial, ainsi qu’une adresse mail spécifique. Tous ces contacts nous ont notamment permis de mettre à jour notre fichier. Au niveau logistique, c’est un travail énorme. Cette plateforme téléphonique d’urgence a été montée en 24h. Nous avions un questionnaire pour prendre le pouls des besoins de l’entrepreneur, puis s’il en exprimait le besoin, il était redirigé vers un expert. Nous alimentions également les bulletins d’informations de la préfecture pour des éléments pratiques, utiles. Face à ces difficultés, les différents acteurs économiques ont mis en commun leurs indicateurs. Il y a eu de nombreuses réunions très bien pilotées.
Info-éco / Comment ont réagi les entreprises artisanales ?
K. D. / Après le temps de la sidération est venu celui de l’organisation de la fermeture, avec l’absence de revenus, la gestion du personnel … puis le temps de la reprise, avec les quand, comment, quels moyens, quels droits … Toutes les entreprises ont été touchées différemment selon le secteur d’activité, leur présence en milieu rural ou urbain.
Info-éco / Pour autant, il existe plusieurs dispositifs d’aides à mobiliser ?
K. D. / Le chômage partiel, les reports ou annulations de charges ont fonctionné. Mais, finalement, peu d’entreprises ont sollicité un prêt garanti par l’Etat. Beaucoup n’ont pas voulu se rajouter une charge supplémentaire. Le plus dur sera pour elles de passer septembre-octobre. D’ailleurs, nous avons recensé près de 200 entreprises en situation d’urgence absolue. Quand l’activité repart, les trésoreries se reconstituent, mais pour certaines, c’est plus difficile. En mars, les entreprises ont encaissé ce qu’elles ont produit en janvier. Mais depuis mi-mars, il n’y a plus de marchés signés. L’absence de ce fonds de roulement va se faire sentir en septembre. Pour payer les fournisseurs et les salaires, il faut de l’essence dans le moteur. C’est à ce moment que nous verrons sans doute augmenter les défaillances. Plus tard également, il faudra les payer ces crédits mobilisés pendant la crise, nous devrons être attentifs.
Info-éco / La digitalisation des commerces est forcément une question qui s’est posée ?
K. D. / La crise a accéléré certains processus de dématérialisation. Sur le numérique, les artisans sont peu ou mal outillés, c’est en effet un des axes à développer. Nous avons proposé des sessions à distance sur le thème du rebond, de la reconquête des marchés. Les formations en distanciel ont continué. Auparavant, elles étaient embryonnaires faute de demandes. Là, c’était la formule qui convenait. Plusieurs artisans ont mis à profit ce repos forcé pour se former. Cela apporte aussi de nouvelles réflexions pour améliorer les formations. A nous de trouver d’autres solutions, de développer de nouveaux modules et de les améliorer. A distance, en visioconférence, en face à face, sous forme de quiz, de cours en ligne que l’on peut consulter à n’importe quel moment, il faut mixer. Les webinaires sur les plans de reprise, les mesures sanitaires ont bien fonctionné.
Info-éco / Quels sont les défis à venir ?
K. D. / Aujourd’hui, pour nombre d’entreprises, tout le challenge est de garder la clientèle de proximité qui est venue pendant le confinement. Les commerces de proximité sont restés ouverts. Le public a constaté leur intérêt. L’artisanat c’est de l’emploi à deux pas de chez soi. Il faut continuer à jouer cette carte, l’avenir est à la proximité.
Info-éco / Avez-vous des inquiétudes sur l’apprentissage ?
K. D. / Du côté des apprentis, la plupart étaient en entreprise. La continuité pédagogique a été assurée. Sur les 965 ressortissants du CFA, 120 à 150 ont fréquenté le site suite au déconfinement, alors qu’habituellement ils sont un peu plus de 300. Les épreuves techniques ont été maintenues pour valider les diplômes. Pour l’année prochaine, sur le nombre d’apprentis, même s’il y a une légère baisse, nous sommes plutôt contents des chiffres. Les mesures gouvernementales concernant l’apprentissage vont dans le bon sens. Tout le travail engagé pour faire reconnaître la qualité de l’apprentissage paye aujourd’hui. Il faut que nous continuions sur cette vague de valorisation.