Sorti à la rentrée, « Choisissez-TOUT » est devenu le livre de chevet de nombreuses femmes. Actuelle directrice de l’Ena, Nathalie Loiseau livre un essai pour donner « envie à d’autres femmes d’oser, de rêver et de changer le monde ». Elle ne se considère pas « glaçante » comme, Sheryl Sandberg, la n°2 de Facebook ou Marissa Mayer, la PDG de Yahoo, mais souhaite tout simplement livrer un essai sur le parcours d’une femme qui vit pleinement sa vie.
Info-éco / Pourquoi avoir ce livre sur votre parcours ?
Nathalie Loiseau / Tout d’abord, j’avais envie de partager ce que j’avais vécu à l’étranger et notamment avec des femmes qui m’avaient raconté leur histoire et qui souhaitaient la rendre publique. J’étais en situation de le faire et pas elles. Dans mes fonctions au ministère des affaires étrangères comme DRH et aujourd’hui à la tête d’une grande école, j’ai rencontré énormément de femmes et d’hommes qui se posent des questions sur leur vie, leur choix professionnel, ils recherchent un équilibre. A force de parler avec eux, de donner des conseils de les orienter, j’ai eu l’impression que ce je faisais en tête à tête pouvait être fait de manière plus général en écrivant un livre.
Info-éco / Pour illustrer vos propos, vous avez choisi de raconter votre propre histoire. Vous souhaitez être un modèle ?
N.L. / Ce n’est pas facile de se livrer, mais en même temps je savais qu’il était plus crédible de raconter des événements que j’ai moi-même vécu. L’idée n’est pas de dire, je suis exceptionnelle, faites comme moi, mais plutôt, je suis une femme comme les autres, mes difficultés sont celles de beaucoup de personne mais pourtant cela ne m’a pas arrêté. Jusqu’à présent, je trouvais des témoignages de femmes, exceptionnelles, hors du commun, mais auxquels il est difficile de s’identifier. Je ne suis pas une « super woman », je suis sans arrêt à mesurer ce que je pourrais faire de mieux comme tout le monde, mais j’ai eu la chance de vivre des choses différentes, de saisir des opportunités formidables. C’est cette vision de la vie que je souhaitais partager, il n’y a pas les supers women d’un côté et les femmes ordinaires de l’autre, il y a des trajectoires, le fait d’oser et d’y croire
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Info-éco / Comment se donner les moyens d’y croire ?
N.L. / Dans notre environnement, il existe parfois des accélérateurs, mais souvent nous avons tendance — les femmes plus que les hommes — à croire que la réussite comme l’échec doit être individuelle. Cela est rarement vrai. Je dis souvent aux femmes d’écouter les conseils lorsqu’ils sont bienveillants, faites confiance aux personnes qui vous font confiance. Il faut oser prendre le risque de ne pas tout réussir et de ne pas être au summum de vos capacités le premier jour. En France, nous avons une définition du succès qui est très orgueilleuse et stérilisante, nous avons une vision du bon élève qui a les bonnes réponses et les bonnes notes. Dans la vie réelle, pour aller de l’avant, il faut aller vers des territoires que nous connaissons mal, vers des expériences dont nous ne maîtrisons pas tout et il faut avoir la modestie de l’accepter . Nous apprenons sur le chemin et nous nous construisons en marchant.
Info-éco / La réussite totale ne doit pas être une fin en soi ?
N.L. / Les femmes sont souvent prisonnières d’un perfectionnisme qui les paralyse. Je ne connais pas d’hommes qui m’expliqueraient vouloir être le meilleur époux, le meilleur père, patron copain, et en plus être le mieux habillé, le plus sexy, le plus drôle. Les hommes font au mieux et ils ont raison. Je ne connais que des femmes qui s’enferment dans cette quête complètement impossible. C’est vrai qu’une certaine littérature féminine ou magazines entretiennent cette illusion, mais c’est une illusion marchande pour vous faire courir derrière ce que vous n’obtiendrez pas, notamment le temps. Nous devons faire les choses avec enthousiasme et faire ce que nous aimons, sans le souci permanent de la perfection.
Info-éco / Pour vous la conciliation vie pro-vie perso n’est pas une mission impossible ?
N.L. / Nous sommes au XXIe siècle et nous avons le choix de fonder une famille si on le souhaite. Pour moi, la famille n’est pas une contrainte, c’est une construction choisie. Les corvées ménagères, elles ne ressemblent plus à celles de nos grands-mères, nous sommes aidés par beaucoup de facilité. Après, si on retombe dans la perfection et que l’on veut faire un diner trois étoiles, ce ne sera pas possible après douze heures de travail. Soit on s’abstient de vie sociale car la vie pro nous a tout dévoré, soit on admet que l’on va recevoir chez soi à la bonne franquette et passer un bon moment. A la maison, les enfants font autant que moi pour préparer le diner, peu importe l’allure, l’essentiel est de le faire avec enthousiasme. u
Propos recueillis par
Lydia De Abreu S.