L’ergonomie est une approche encore mal connue en France. Elle apporte pourtant de nombreux bénéfices en termes de bien-être au travail, d’organisation et de performance économique.
« L’ergonome est avant tout un concepteur, introduit Pascal Portes, dirigeant de Pact Ergonomie, basé à La Trimouille. Nous partons de l’être humain. Pour la majorité, un salarié dit s’adapter à l’entreprise, en ergonomie, c’est l’inverse le travail s’adapte à l’homme. Toute personne doit pouvoir répondre à un travail sans que cela ne déclenche de problèmes physiques, biomécaniques ou même psychologiques. L’ergonomie intervient souvent quand il y a un problème de cet ordre. » L’ergonome peut aussi intervenir dès la conception des projets. Pascal Portes propose ainsi des simulations de situation au travail. « Ainsi, nous arrivons à éviter des problèmes. Nous travaillons sur la conception des bâtiments, mais aussi sur les organisations de travail ou les outils utilisés par le salarié. »
L’ergonome intervient aussi sur le sujet de la santé au travail. « Nous étudions les problèmes, les facteurs qui peuvent induire des troubles musculo-squelettiques ou psychosociaux. Nous avons alors un rôle de régulateur. Je travaille aussi sur de l’accompagnement au changement, que ce soit en terme de numérique, d’augmentation de cadence, de travail manuel à celui de bureau … » Enfin, Pascal Portes participe également à l’élaboration de logiciels sur ces aspects cognitifs.
Réfléchir à l’organisation du travail
« Le chef d’entreprise attend souvent qu’un problème survienne pour nous appeler, alors que nous pourrions venir en prévention. Notre rôle est d’adapter la situation de travail au salarié, qu’il s’agisse de manutention ou de service. Souvent, il ne s’agit pas que de trouver une position de confort. La solution se trouve souvent dans l’organisation même du travail. C’est de là que nous partons. L’objectif est de ramener du confort au travail, mais être juste bien assis, se concentrer uniquement sur le mobilier, c’est parfois occulter le vrai problème. Nous réalisons alors une analyse collective de l’entreprise, nous observons les salariés, nous travaillons avec eux pour établir un diagnostic. Le salarié est l’usager du terrain, c’est à ce titre qu’il faut se tourner vers lui pour avoir un aperçu de la réalité du travail. Après une régulation, dans les 3-4 ans qui suivent, la performance économique de l’entreprise augmente de 30 à 40 % et en général elle accepte mieux de nouveaux marchés. Nous intervenons aussi sur la qualité des produits. Quand de nombreuses pièces sont mises au rebut, cela signifie souvent des gens en souffrance. Quand nous intervenons en milieu hospitalier, nous améliorons aussi la qualité de soins au patient. C’est la même chose dans l’industrie, mais sur un produit. Notre action est valable pour tous les secteurs, tous les types d’emplois. L’ergonomie peut agir partout. Les deux secteurs les plus concernés aujourd’hui sont l’industrie et les soins aux personnes. »
L’ergonomie a encore du mal à percer en France. « Demain, l’entreprise devra se doter d’un budget consacré à la santé au travail, estime Pascal Portes. Ce n’est pas encore dans les mœurs, mais cela viendra avec les prochaines obligations en la matière. Chaque entreprise devrait consacré une ligne de son budget au bien-être physique et mental de ses salariés et pas une simple contribution à la Carsat. Le chef d’entreprise doit se dire que le champs d’intervention est ouvert, que l’ergonomie va plus loin qu’un écran mal positionné. L’ergonomie emprunte des pistes à la sociologie, à la psychologie, à la médecine. C’est une démarche complète, qui nécessite un engagement. Notre difficulté vient du fait que nos solutions ne sont pas palpables, mais nos préconisations sont là pour faire avancer l’entreprise. Pour qu’une société se porte bien, il faut que ses salariés aillent bien, qu’ils se sentent soutenus pour avancer dans le même sens. »
M. W.