L’agriculteur de Bernac, victime et premier à faire condamner la firme Monsanto, vient de publier un livre. Un ouvrage exutoire où il raconte ses combats contre la maladie, contre la multinationale, mais pas seulement.
« Ce livre m’a fait beaucoup de bien, ça a été un exutoire », raconte Paul François. Dans sa ferme à Beauregard, sur la commune de Bernac, et entre deux voyages à Paris où il multiplie les interviews avec la sortie de son livre le 25 octobre aux éditions Fayard, l’agriculteur se pose et raconte à nouveau. « Souvent on me sollicitait pour que je raconte dans un livre mon combat contre Monsanto, mais je trouvais ça ambitieux et puis Fayard m’a contacté en novembre 2016 », détaille le céréalier qui finit par accepter l’offre de la maison d’édition parisienne, après avoir eu l’accord de sa femme et de ses deux filles ; la rencontre avec la journaliste Anne Barret finissant de le convaincre. « Elle est journaliste au Journal du Dimanche et est fille d’agriculteur ! »
Le courant passe, les entretiens commencent, près de 40 heures de conversations où le paysan se livre, sans tabou, jusqu’à la fin février. Puis, durant 4 mois jusqu’en juin, ce sera le travail d’écriture par Anne Barret, puis les relectures et corrections. « Si j’avais écrit le livre, il n’était pas fini en 2050 ! », s’amuse Paul François qui a tenu à ce que le nom de la journaliste apparaisse sur la couverture du livre. « Nous sommes co-auteurs. »
Dans cet ouvrage, il raconte bien sûr son accident survenu le 27 avril 2004 alors qu’il jette un œil au fond d’une cuve contenant du désherbant, le Lasso, un herbicide de Monsanto alors autorisé en France. Son coma, son hospitalisation pendant un an. Et son autre combat cette fois contre Monsanto pour faire reconnaître sa maladie, jusqu’au 10 septembre 2015 où la cour d’appel de Lyon reconnait, après plus de 10 ans de procédures, la responsabilité de la multinationale. Une victoire qui sera de courte durée puisque la cour de cassation a renvoyé l’affaire le 7 juillet dernier devant la cour d’appel afin de revoir la procédure. « Monsanto a été condamné pour défaut d’information mais la cour de cassation demande à la cour d’appel de revoir l’objet du délit. »
« Je ne me pose pas en donneur de leçons ! »
Dans ce livre, Paul François se livre simplement, exprimant ses doutes, ces 10 années de pressions mais aussi les raisons pour lesquelles il avait choisi ce modèle d’agriculture et son choix aujourd’hui de convertir ses terres en bio. « Mais je ne me pose pas en donneur de leçons », prévient l’agriculteur qui ne juge pas ses confrères qui utilisent encore le glyphosate. «Moi je n’en utilise plus mais je ne jette pas la pierre à ceux qui l’utilisent. Il faut retirer ce produit du marché mais donner la possibilité aux agriculteurs de se retourner, de disposer d’autres techniques ou produits pour éviter qu’ils n’aient recours à de produits encore plus dangereux. »
Une vie rassemblée dans 275 pages que Paul François a corrigées, relues au moins 7 fois avant la sortie du livre le 25 octobre « pour que cela coïncide avec la sortie du film “Les Sentinelles” ». Une sortie parfaitement orchestrée par l’éditeur avec une exclusivité pour le quotidien national, Le Parisien, samedi dernier, et l’émission C Politique sur France 5, dimanche soir, C à vous sur France 5, lundi soir … suivie d’interviews sur d’autres chaînes et radios nationales.
Un livre qui devrait l’aider à poursuivre son marathon judiciaire. « Car la procédure risque de durer encore deux à trois ans et je n’ai toujours pas payé mes avocats ! » Car si Monsanto a été condamné, il ne versera rien à l’agriculteur tant que la cour d’appel n’aura pas à nouveau statué. « J’ai payé plus de 50 000 € de frais annexes de ma poche, et rien perçu de Monsanto », raconte sans détour Paul François qui vient de lancer un appel à un fonds participatif (www.okpal.com/fairecondamnermonsanto) à titre individuel : « Car il faut que je continue … »
Laurence Gauchon