Avec Philippe Croizon, tout est possible

C’est une force de vie. Le polyamputé Philippe Croizon le démontre en se lançant dans d’incroyables défis. En janvier, il a participé au Dakar.

Partout où Philippe Croizon fait une apparition, les flashes crépitent, il glisse un mot gentil, tutoie volontiers, plaisante souvent. « On ne va pas se serrer la main, de toute façon, je n’en ai pas ! » Ses exploits ont fait le tour du monde, mais il est resté simple, chaleureux. Le Châtelleraudais marque les esprits par son courage et sa rage de vivre. Il fait l’admiration de beaucoup. « C’est un fou furieux qui, à peine rentré, vous dit qu’il a déjà d’autres projets », note en souriant Bruno Belin, président de la Vienne.

Philippe Croizon travaillait comme métallurgiste aux Fonderies du Poitou, mais sa vie bascule en 1994. Il est foudroyé par 20  000  volts. S’en suit une centaine d’heures d’interventions chirurgicales, une amputation des quatre membres et un traumatisme moral qui l’amène à deux tentatives de suicide …  « J’ai repris vie avec l’amour et je suis sorti de mon canapé. » Depuis, il avance. « Je veux montrer à tous qu’une personne handicapée est avant tout un Homme, que tout est possible, qu’il faut croire en ses rêves. » En 2010, il réalise la traversée de la Manche à la nage en 13 h 30. « Seul 10 % des valides réussissent cette épreuve. » En 2012, à travers quatre étapes, il relie en nageant les cinq continents avec Arnaud Chassery. « Je voulais montrer que l’on n’est pas si différents les uns des autres. »

L’aventure humaine du Dakar

Cette année, il a décidé de participer au Dakar. Au terme d’un an et demi de préparation, il s’est élancé en janvier en Amérique du Sud et a traversé le Paraguay, la Bolivie et l’Argentine pour finir après 12 jours de course, 48e au classement. « Mon but était de rallier Buenos Aires, j’y suis arrivé. Nous y sommes arrivés, car sans mon équipe, je n’existerais pas. »

Une aventure qui a bien sûr commencé dans la Vienne. « Après la constitution du club des partenaires, il y a eu les premiers tours de roues. Nous en avons parcouru des chemins depuis les premiers essais dans les rues de Paris, sans rétroviseurs, sans pare-choc, sur un buggy un peu nu. » Au Rallye du Maroc, il prend un risque. « Je grève mon budget, mais il me fallait cette expérience pour démontrer que je pouvais le faire. C’est là-bas que je rencontre le pilote qatari Nasser Saleh Al-Attiyah. Il me dit simplement qu’il veut que je sois sur le Dakar et me fait un chèque de 100 000 €. C’est une aventure humaine avant tout. » Il a construit autour de lui une belle équipe dont Yves Tartarin, qui lui prête un véhicule et pour sa 19e  participation décide de le suivre sur la course. Et son copilote, Cédric Duplé. « Dans cette préparation, nous avons avancé au jour le jour. Sur la course, c’était heure par heure et quand une panne survenait c’était minute après minute. » Et surtout, il y a Suzanna. « Après 10 ans d’amour, je l’ai enfin demandée en mariage sur le podium. L’amour donne des ailes. Ça a été une renaissance. C’est moi qui suis allé vers les autres. »

Connu pour son franc parlé, Philippe Croizon n’hésite pas à s’engager pour parler de handicap. Depuis 2013, il intervient comme chroniqueur dans le Magazine de la santé sur France 5, mais aussi dans les entreprises, dans des conférences pour parler handicap, emploi. « Je n’ai jamais eu les chevilles qui enflent, je n’ai pas ce problème. J’ai envie de la faire, c’est aussi simple que ça. Je n’imaginais pas tout ça. Je vais bientôt faire une conférence devant 8 000 personnes à Bercy. Mes trois premiers livres sont en route pour le cinéma. Je vais en un 4e sur l’humour et le handicap. C’est extraordinaire. Mais je crois que le secret, c’est de ne pas se prendre le chou. Il y a un temps pour tout. Tout est possible, l’impossible c’est juste vous. »

Mathilde Wojylac